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Management packages – Actualités et enjeux à l’international

par Magazine des Affaires

Par Alain Loehr,avocat associé du cabinet KPMG Avocat et Marion Irlinger, avocate senior manager du cabinet KPMG Avocat

La mise en place du management package dans le cadre d’opérations d’acquisition est un élément essentiel puisqu’il est le vecteur d’une culture de responsabilité et d’engagement des équipes managériales, mais également de l’alignement des intérêts avec les actionnaires dans le private equity. Ce principe est largement admis, voire même posé comme un prérequis, dans les secteurs soumis à des exigences réglementaires spécifiques telles que le secteur financier, mais plus globalement pour les sociétés cotées. Le code AFEP MEDEF exige par exemple que les mandataires sociaux exécutifs détiennent et conservent une quantité minimale d’actions jusqu’à la fin de leur mandat.

 

Le Management package est aujourd’hui au cœur de nombreuses discussions, principalement quant au traitement fiscal et social des gains réalisés à l’exit. Si depuis une vingtaine d’années les décisions fiscales et sociales se succèdent en la matière, des précisions importantes ont été apportées au cours des trois dernières années.

Le 28 septembre dernier, la Cour de cassation a confirmé l’assujettissement aux cotisations de sécurité sociales des gains issus de l’exercice de Bons de Souscription d’Actions (BSA) réalisés par sept managers et anciens managers d’un groupe coté de l’industrie aéronautique et de défense. Les juges de la haute juridiction confirment ainsi la première décision en ce sens rendue par les juges en matière sociale en avril 2019.

Dès lors que le gain de cession ou d’exercice des BSA est réalisé en contrepartie ou à l’occasion du travail, les BSA génèrent lors de leur exercice ou cession un avantage assujetti à cotisations de sécurité sociale. La valorisation dudit avantage devra désormais être réalisée au moment de l’exit[1] (monétisation des BSA que ce soit par leur exercice ou par leur cession) et non plus au moment de leur libre disposition. Il eût, en effet, été difficile pour les autorités sociales de définir la valorisation des instruments utilisés en l’absence de toute transaction sur les titres de la société avant l’exit. Cela représentera donc un coût non négligeable pour les cibles qui devront acquitter les charges sociales patronales lorsque les instruments auront été attribués en contrepartie ou à l’occasion du travail.

Dans ce contexte, il est primordial d’appréhender concomitamment les enjeux fiscaux et sociaux de l’investissement des équipes dirigeantes aux côtés de l’investisseur majoritaire, l’exigence intrinsèque de bonne gouvernance et d’alignement des intérêts.

La structuration financière, juridique et fiscale des instruments utilisés dans le package proposé aux managers et, plus particulièrement dans le recours aux dispositifs encadrés de partage de la valeur tels que les attributions gratuites d’actions, les options de souscription ou d’achat d’actions, de BSPCE doit permettre de résoudre cette équation complexe. Ces instruments sont souvent soumis à des conditions strictes qu’il est parfois difficile de concilier avec les impératifs commerciaux ou juridiques de la structure d’acquisition. Le récent assouplissement des conditions d’attribution gratuite d’actions sera ainsi le bienvenu pour faciliter la mise en place de ces dispositifs encadrés dans les opérations d’acquisition. Ce dispositif permet depuis le 1er décembre 2023 :

  • D’ouvrir plus largement le capital de la société par le biais d’attributions gratuites d’actions jusqu’à 15% (au lieu de 10%) du capital et jusqu’à 20% dans les PME non coté (au lieu de 15%);
  • De faire bénéficier aux mandataires des filiales de la société qui attribue les actions (en règle générale la holding tête de groupe de rachat) des attributions gratuites d’actions ;
  • D’inclure au nombre des participants potentiels les fondateurs historiques intrinsèquement exclus par le passé dès lors qu’il conservait une participation égale ou supérieure à 10% du capital social (en excluant du plafond de détention individuel de 10% les titres détenus depuis plus de 7 ans).

Aussi, l’intéressement des managers français dans le cadre d’opérations d’acquisition françaises se fera désormais au moyen d’une structuration juridique et fiscale précise et grâce aux dispositifs encadrés d’actionnariat salarié. Cependant, la question de l’inclusion de managers étrangers est plus délicate dans la mesure où elle requiert de concilier ces dispositifs français avec les exigences réglementaires, sociales et fiscales propres à d’autres juridictions.

  • Valorisation des instruments utilisés

La question de la valorisation des instruments à souscrire par des managers localisés dans différentes juridictions est un sujet épineux dans la mesure où, même en Europe, les administration fiscales et sociales ont des pratiques souvent différentes. Si la pratique de marché française tend à privilégier la valorisation d’instruments optionnels selon la méthode Black and Scholes, d’autres pays, à l’instar des autorités britanniques, tendent à privilégier une méthode de projection différente (Probability-Weighted Expected Return Method). Au-delà de la méthode de valorisation de la juste valeur à proprement parler, des pratiques différentes sont à noter en matière de décote d’illiquidité ou de minorité. A titre d’exemple, le Royaume-Uni accepte jusqu’à 60% de décote suivant les circonstances. La définition de valeur de souscription des instruments devra donc être revue à la lumière de ces divergences et dans une volonté évidente d’harmoniser la situation des managers dans les différentes juridictions.

  • Structure de regroupement des actionnaires minoritaires

En fonction de la structure juridique générale de l’acquisition, il est souvent envisagé de regrouper les actionnaires minoritaires dans un véhicule dédié. S’il est traditionnel en France de procéder à ce regroupement au travers d’une société opaque, nos voisins européens tendent à préférer d’autres structures telles que le trust dédié aux salariés au Royaume-Uni ou encore le recours aux partnerships transparents en Allemagne ou au Luxembourg. Il faut alors également tenir compte de l’impact de cette structure sur la situation fiscale personnelle ainsi que les coûts potentiels de fonctionnement pour l’actionnaire majoritaire.

Le choix définitif du véhicule de regroupement pourra alors être guidé par les modalités de réinvestissement des managers. Les caractéristiques de l’entité bénéficiaire de l’apport de titres est un élément clé dans l’appréciation des conditions de la neutralité fiscale de telles opérations.

  • Impacts fiscaux et sociaux (personnels et employeur) à l’international

L’utilisation de mécanismes encadrés tels que les actions gratuites ou options de souscription d’actions bénéficiant d’un régime fiscal et social spécifique en France doit être pilotée avec attention afin d’anticiper les problèmes de cash-flow pour des managers étrangers qui seraient soumis à une imposition avant toute liquidité sur les titres acquis. Il en va de même des possibles situations de double imposition pour des managers en situation de mobilité internationale.

Enfin, il est crucial de maitriser dès la mise en place du package les obligations à la charge des filiales locales employant les participants en lien avec ces mécanismes. En effet, en cas de défaut, cela pourrait se traduire par des coûts supplémentaires liés aux charges sociales patronales ou aux pénalités, voire même à une identification de risques en due diligence par la suite.

  • Exigences réglementaires locales propres à chaque juridiction

Il faut également appréhender très en amont les contraintes réglementaires liées à la souscription d’actions d’une société française par des résidents étrangers. Certains pays imposent en effet des obligations d’enregistrement a priori, telle que la Chine, pour que le manager puisse procéder au virement (puis au rapatriement lors de l’exit) des fonds nécessaires à l’investissement.

Plus généralement, il convient de veiller au respect de la réglementation propre à l’offre de titres et au droit du travail qui peuvent imposer des conditions particulières pour l’opposabilité des clauses contenues dans la documentation (traduction des documents, …).

En conclusion, pour définir la structure du management package, il est primordial d’anticiper une revue globale dès le structuring de l’acquisition dans les différentes juridictions concernées afin d’utiliser des instruments adaptés, mais aussi de maitriser en amont le respect des obligations déclaratives (individuelles pour les managers mais également sur la cible en tant qu’employeur).

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