En 2021, les émissions de gaz à effet de serre de l’Hexagone ont diminué de 3,8% par rapport à 2019, pour s’établir à un niveau 23 % inférieur à celui de 1990, relève le Haut conseil pour le climat dans son quatrième rapport annuel, publié mercredi 29 juin. Ce qui confirme la tendance à la baisse observée depuis 2005, et ce malgré un rebond post-Covid prévisible (+6,4% en 2021).
Certains chiffres sur le climat sont agréables à lire : entre 2019 et 2021, les émissions de CO2 du pays ont été inférieures au plafond moyen du deuxième budget carbone pour 2019-2023 fixé par la SNBC (Stratégie nationale bas carbone). Pour mémoire, la trajectoire pour parvenir à une réduction de 40% des émissions d’ici à 2030 par rapport à 1990, n’avait pas été respectée entre 2015 et 2018.
Mais si on en croit ce rapport, ces progrès demeurent largement insuffisants, du moins pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 ; D’autant que ces résultats s’expliquent principalement à l’effet covid. Au total, seulement 6 des 25 orientations prévues parles pouvoirs publics afin de mettre en œuvre la transition vers une économie bas-carbone ont été atteints, Les bons élèves sont à trouver dans les secteurs des bâtiments neufs, le soutien aux technologies de rupture, ou encore la production d’énergie décarbonée dans l’agriculture. En revanche, les politiques de rénovation des logements, le signal-prix dans les transports ou encore l’efficacité énergétique n’ont pas été atteints.
Le rapport préconise d’aligner les objectifs français sur ceux de Bruxelles qui entend renforcer son paquet climat pour parvenir à 55% d’émissions nettes en moins d’ici à 2030. Concrètement cela implique pour la France un rehaussement de l’objectif, de -50% en 2030 par rapport à 1990 pour les émissions brutes.
La pression est d’autant plus forte que la France est sous le coup de deux décisions de justice, du Conseil d’Etat et du tribunal administratif de Paris, lui enjoignant de prendre rapidement des mesures supplémentaires. Mais le rapport va plus loin et précise que se contenter de diminuer les émissions ne suffira pas. Car un grand oublié de l’action publique fait planer de nombreux risques sur l’avenir du pays : l’adaptation au changement climatique. La France
« manque d’objectifs stratégiques, de moyens et de suivi des politiques » en la matière, regrette le Haut conseil pour le climat. Il faudrait investir a minima 2,3 milliards d’euros chaque année en France pour se préparer aux conséquences du dérèglement, a préconisé l’institut de l’économie pour le climat dans un rapport publié le 23 juin. Pour la première fois, tous les grands secteurs ont enregistré une diminution en 2021, déjà bien établie dans ceux du bâtiment, de l’industrie et de l’énergie (même si ralentie depuis 2015 pour les deux derniers), et qui « reste à confirmer » pour le transport et l’agriculture, précise Corinne le Quéré. Dans le détail, les transports restent de loin le secteur le plus polluant, avec 31% des émissions nationales. Sur le sujet, le Haut conseil pour le climat enregistre des progrès, comme la croissance des véhicules électriques. En effet, leur part parmi les immatriculations neuves (9,8%) s’est accélérée en 2021, notamment grâce au plan de relance, aux normes européens et à la loi sur les mobilités, note l’instance. Mais le déploiement des bornes a pris du retard, et le développement des services à faibles émissions « se poursuit de manière trop hétérogène et pas assez opérationnelle », regrette-t-elle. Du côté de l’industrie, qui représente 19% des émissions, la baisse des émissions se poursuit, mais a néanmoins ralenti depuis 2015.
« Le rythme doit accélérer […] Trop peu de financements accompagnent la transition professionnelle », notent les experts. Quant à l’agriculture (19% des émissions également), le Haut conseil pour le climat partage ses inquiétudes quant à la future politique agricole commune (PAC) pour 2023, et sa déclinaison en France via le Plan stratégique national (PSN). « Le PSN ne suffit pas, il permettrait d’atteindre seulement la moitié des objectifs climatiques de la SNBC », précise Marion Guillou, spécialiste de l’alimentation et membre du groupe d’experts. Par ailleurs, les bonnes pratiques sur le stockage du carbone dans les sols restent « trop peu soutenues », et « devraient être harmonisées au niveau européen », ajoute-t-elle. Pour ce qui est des bâtiments (18% des émissions), la tendance à la baisse continue d’être marquée. Et pour cause, le secteur
« a largué 1,9 tonnes de CO2 en moins par rapport à ce qui est souhaitable si l’on veut respecter l’objectif européen de baisse de 55% des émissions d’ici à 2030 », avance Marion Guillou. La réglementation environnementale 2020 (RE2020), qui s’applique aux constructions neuves afin d’agir sur les émissions des bâtiments, est une « très bonne mesure », considère le rapport. Mais l’éradication des passoires thermiques reste « mal accompagnée », et les dispositifs « ne ciblent pas assez les opérations globales performantes » de rénovation, note l’ingénieure agronome.
Enfin, l’énergie (11% des émissions) fait a priori figure de bon élève, puisque c’est « le seul secteur où les émissions réalisées s’avèrent significativement inférieures au budget carbone sectoriel », précise le rapport. Mais celui-ci accuse un « manque d’approche systémique », tandis que les mesures d’efficacité et de sobriété « ne sont pas assez mobilisées », alerte Marion Guillou. Par ailleurs, le réseau électrique, actuellement en cours de modernisation, reste inadapté à l’explosion des énergies renouvelables, lesquelles ne se déploient de toute façon pas assez vite, pointe la polytechnicienne. Enfin, avertit-elle, « les investissements dans le nouveau nucléaire et dans l’hydrogène bas carbone prendront du temps à se concrétiser », et ne délivreront donc pas d’effets à court terme.