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La banque de France parie sur une croissance du PIB de 0,9 % en 2023 et 2024 puis de 1,3 en 2025

par Magazine

Par Aldama Pierre, André Julien, Baret Kéa, Bui Grégory, Carroy Alice, Cochard Marion, Coueffe Mélanie, Coursieras Laurence, Ducoudré Bruno, Giuliani Lionel, Jousselin Edouard, Le Bihan Hervé, Lemoine Matthieu, Levy-Rueff Guy, Menard Alexandre, Noumagnon Frulgence, Rouvreau Béatrice, Sabatini Mylène, Sabes David, Thubin Camille, Ulgazi Youssef

 

La banque de France vient d’actualiser ses prévisions. Si la croissance sera faible en 2023 à 0.9%, l’économie française ne tombera pas en récession. L’inflation quant à elle reste élevée mais se stabilise. Au-delà des soubresauts des prix de l’énergie, la tendance de fond serait à la baisse de l’inflation, avec un retour progressif vers 2 % d’ici 2025. Sur l’ensemble de l’année 2023, l’inflation totale en glissement annuel diminuerait progressivement, passant de 7,0 % au premier trimestre à 4,5 % au quatrième trimestre (cf. graphique 1). Ce serait également le cas du glissement annuel de l’inflation hors énergie et alimentation, qui passerait sur la même période de 4,4 % à 3,7 %. En moyenne annuelle, l’inflation totale s’établirait en 2023 à 5,8 %, et l’inflation hors énergie et alimentation à 4,2 %. Cette dernière est révisée à la baisse par rapport à la prévision de juin, dans laquelle nous l’anticipions à 4,4 % en moyenne annuelle.

Dans le détail, les nouvelles hausses des prix de l’énergie de l’été 2023 sont sans commune mesure avec celles observées en 2022 lorsque les conséquences de l’invasion russe en Ukraine se sont manifestées (cf. encadré infra ). S’agissant des produits alimentaires, nous anticipons une stabilisation progressive du niveau des prix de détail, alors que les hausses de prix négociées en début d’année entre les producteurs et les distributeurs se sont déjà diffusées pour la plupart. La réouverture des négociations commerciales à l’été n’a finalement pas eu d’effet notable, et notre prévision n’a à ce stade pas pris en compte un éventuel effet baissier spécifique des prochaines négociations. Au total, la hausse des prix de l’alimentation mesurée en glissement annuel continuerait de refluer au cours du second semestre 2023.

La hausse des prix des produits manufacturés reviendrait, elle aussi, rapidement sur un rythme modéré à partir du second semestre 2023, traduisant la poursuite du net recul des prix de production de l’industrie entamé au premier semestre, à la suite de celui des prix d’importation. La hausse des prix des services serait en revanche plus persistante, tirée plus durablement par les salaires, sous l’impulsion notamment des revalorisations du Smic et des salaires négociés au niveau des branches d’activité. Nous prenons par ailleurs en compte la prolongation jusqu’au premier trimestre 2024 du plafonnement de l’indice de référence des loyers (IRL) à 3,5 % en métropole, qui devrait permettre de contenir la hausse des loyers. In fine, la hausse des prix des services atteindrait de façon retardée son pic au quatrième trimestre 2023, avec un glissement annuel de 4,5 %, et ne commencerait globalement à ralentir que début 2024. En 2024, sous l’hypothèse d’accalmie sur les prix des matières premières telle qu’anticipée aujourd’hui par les marchés à terme, l’ensemble des composantes de l’inflation se replierait. La contribution principale à l’inflation viendrait alors des prix des services (cf. graphique 2), soutenus par les hausses retardées des salaires et des loyers et par la poursuite du rétablissement attendu des marges dans certains sous-secteurs des services. En moyenne annuelle, l’inflation totale reculerait à 2,6 % et l’inflation hors énergie et alimentation diminuerait plus lentement, à
2,8 %. Au quatrième trimestre 2024, en glissement annuel, l’inflation totale serait de 2,2 %.

En 2025, l’inflation totale et l’inflation hors énergie et alimentation continueraient de refluer, à respectivement 1,8 % et 2,1 % en moyenne annuelle, sous le double effet de la poursuite de la normalisation des prix des matières premières (énergétiques et alimentaires), mais aussi de l’impact progressif du resserrement passé de la politique monétaire sur l’inflation sous-jacente. En particulier, les prix des services commenceraient à ralentir, ne progressant plus en 2025 que sur un rythme de 3,0 % en moyenne annuelle, en lien avec des revalorisations salariales nominales moins marquées que dans les deux années précédentes (permettant cependant une hausse des salaires réels – cf. infra).

La croissance serait plus résiliente qu’attendu en 2023, suivie par une reprise un peu plus progressive, si bien que l’évolution cumulée du PIB d’ici 2025 serait très proche de celle de notre projection de juin

Alors que l’activité a stagné au premier trimestre 2023, les chiffres de la croissance du PIB au second trimestre ont fortement surpris à la hausse. Ainsi, alors que nous anticipions une croissance trimestrielle de 0,1 %, celle-ci a atteint 0,5 %, soutenue notamment par l’activité de cokéfaction-raffinage (conséquence de la fin des grèves dans les raffineries), et par un retour à la normale de la production d’électricité. Ces facteurs étant des phénomènes de rattrapage et non des événements ponctuels, ils ne conduisent pas à anticiper une correction mécanique à la baisse de la croissance au troisième trimestre. Le principal facteur ponctuel qui pourrait donner lieu à une correction, la livraison du paquebot MSC Euribia, concernerait essentiellement les exportations ainsi que les variations de stocks, et n’aurait selon l’Insee qu’un impact limité sur l’activité. À l’inverse, la forte croissance du deuxième trimestre n’annonce pas non plus le début d’une reprise dynamique. En particulier, alors que l’acquis de croissance est au deuxième trimestre de 0,8 % pour 2023, il n’est que de
0,2 % pour la contribution de la demande intérieure hors stocks. Au cours du troisième trimestre 2023, la croissance garderait un rythme modéré, entre 0,1 % et 0,2 % selon la dernière EMC de début septembre. Elle resterait ensuite au dernier trimestre sur un rythme de l’ordre de 0,2 %. Au total, la surprise du deuxième trimestre nous amène à réviser notre prévision de croissance annuelle pour 2023 à la hausse par rapport à la prévision de juin. Sur l’ensemble de l’année, la croissance du PIB s’élèverait à
0,9 % en 2023 (cf. graphique 3), en hausse de 0,2 point de pourcentage (pp) par rapport à la prévision de juin. Sur le reste de notre horizon de prévision, la reprise de l’activité s’accompagnerait d’un rééquilibrage de la croissance en faveur de la demande intérieure, dont la contribution (hors stocks) augmenterait de 0,8 pp en 2024 et 1,3 pp en 2025, après 0,4 pp en 2023. La croissance du PIB que nous prévoyons pour 2024, de 0,9 %, proviendrait ainsi principalement de la demande intérieure hors stocks (pour 0,8 pp – cf. tableau C2 en annexe), tandis que la contribution du solde extérieur serait nulle en 2024 (après 0,6 pp en 2023). En 2025, la croissance du PIB augmenterait pour atteindre 1,3 %, toujours portée par les moteurs intérieurs de l’activité (consommation des ménages et investissement des entreprises). La consommation des ménages bénéficierait notamment de l’effet positif sur le pouvoir d’achat du retour de l’inflation vers 2 %, en partie atténuée par le tassement de l’emploi, conséquence décalée dans le temps du ralentissement économique passé. La reprise de la demande permettrait également à l’investissement des entreprises de réaccélérer. Au total, avec une croissance révisée à la hausse en 2023 et à la baisse en 2024 et 2025, la croissance cumulée du PIB entre 2022 et 2025 serait proche de celle de la prévision de juin.

Sur notre horizon de prévision, le choc des termes de l’échange (défini comme l’évolution depuis 2021, due aux changements de prix, des dépenses d’importations nettes des recettes d’exportations, en points de PIB), conséquence de l’invasion russe en Ukraine, se réduirait progressivement à la faveur du repli des prix des matières premières (cf. graphique 4) et de la transmission des chocs passés dans les prix d’exportation français. D’environ 1,5 % du PIB en 2022, il reculerait à environ 0,5 % en 2023 (toujours par rapport à 2021), niveau auquel il se stabiliserait à l’horizon de la prévision. La résorption de ce prélèvement externe permettrait d’améliorer la situation des différents agents de l’économie française : des ménages, en termes de pouvoir d’achat, des entreprises, en termes de marges bénéficiaires, et des administrations publiques, en termes de solde public, même si ce dernier reste plus dégradé qu’avant la crise Covid.

Compte tenu de la baisse de l’inflation, les salaires réels progresseraient sensiblement en 2024-2025, en dépit du ralentissement des salaires nominaux

La progression du salaire moyen par tête (SMPT), dont témoigne son glissement annuel de 5,0 % au deuxième trimestre 2023, reflète en particulier les versements élevés au titre de la prime de partage de la valeur (PPV), qui a succédé à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Le salaire mensuel de base (SMB), qui n’inclut notamment pas les primes, a progressé en glissement annuel de
4,6 % sur la même période. Dans notre prévision pour 2023, les versements de PPV demeureraient soutenus, contribuant ainsi, avec les revalorisations à l’ancienneté, les hausses individuelles et le turnover, à maintenir l’écart observé récemment entre le glissement annuel du SMPT et celui du salaire mensuel de base. Le pic de la progression du SMPT serait atteint en 2023, avec une hausse en moyenne annuelle de 5,1 % (soit légèrement révisée par rapport à notre projection de 5,4 % en juin, dans les deux cas selon la mesure ajustée du chômage partiel). Cependant, en termes réels, le SMPT reculerait en 2023, comme cela avait été le cas en 2022. En revanche, en 2024 et 2025, le SMPT réel renouerait avec un taux de croissance nettement positif. Le SMPT nominal décélérerait certes, mais moins que les prix (cf. graphique 5). Ce décalage entre la dynamique de l’inflation et celle des salaires nominaux résulte du caractère annuel des négociations salariales, ainsi que de l’indexation retardée du Smic.

-L’emploi s’ajusterait un peu, après une évolution particulièrement dynamique ces dernières années

Sur la période récente, les créations nettes d’emplois salariés restent dynamiques, mais se modèrent : elles sont descendues à + 41 000 emplois au deuxième trimestre pour l’ensemble de l’économie, alors qu’elles se situaient sur un rythme trimestriel de plus de 100 000 emplois au début 2022. Sur la base des derniers indicateurs de court terme disponibles pour le troisième trimestre 2023, nous anticipons des créations nettes d’emplois salariés, mais à un rythme encore plus modéré. La révision à la hausse de l’emploi dans les comptes annuels de 2022 contribue à élargir l’écart de la productivité à sa tendance au deuxième trimestre 2023 par rapport à la prévision de juin. Les entreprises ajusteraient ensuite progressivement leurs effectifs alors que la croissance deviendrait peu à peu plus dynamique, ce qui permettrait à cet écart de productivité de se réduire graduellement, mais sans être refermé à l’horizon de la projection (cf. graphique 6 infra). Le taux de chômage a un peu remonté au deuxième trimestre 2023 (+ 0,1 pp), malgré les surprises positives relatives au PIB et à l’emploi, ce qui reflète une augmentation plus forte qu’anticipé de la population active. À l’horizon de la prévision, la hausse du taux de chômage résulterait aussi de la réaction retardée de l’emploi au ralentissement passé de l’activité. La hausse du chômage serait donc un peu plus forte que dans notre prévision de juin, à la fois en raison de la surprise à la hausse au deuxième trimestre et, avec un décalage temporel, de la croissance un peu plus lente en 2024 et 2025. Ainsi, le taux de chômage, qui s’est élevé à 7,2 % au deuxième trimestre 2023, augmenterait progressivement pour atteindre 7,8 % fin 2025 (cf. graphique 7). Cela resterait un niveau inférieur à celui de 2019.

Après avoir stagné en 2023, la consommation des ménages redémarrerait à partir de 2024

Le pouvoir d’achat par habitant, ou revenu disponible brut (RDB) réel par habitant, progresserait de 0,6 % en 2023 (cf. graphique 8 infra ), alors que nous anticipions, dans notre prévision de juin, qu’il baisserait de 0,4 %. Cette large révision résulte principalement de la prise en compte des comptes nationaux trimestriels publiés depuis lors par l’Insee, qui font désormais apparaître à la mi-2023 un acquis de croissance de 1 % du pouvoir d’achat du RDB. Cela traduit une hausse plus importante que prévu des revenus non salariaux (notamment loyers et revenus nets d’intérêt). En revanche, notre diagnostic reste peu changé pour les revenus salariaux réels en 2023 : ceux-ci continueraient d’être tirés par les créations nettes d’emplois, toujours assez dynamiques au premier semestre, qui feraient plus que compenser la baisse du SMPT réel. À partir de 2024, ces deux moteurs des revenus salariaux s’inverseraient  : l’emploi ne soutiendrait plus la progression du pouvoir d’achat, mais les salaires nominaux progresseraient plus vite que l’inflation. De plus, le pouvoir d’achat des ménages bénéficierait de mesures de soutien budgétaire, dont notamment la suppression de la dernière tranche de la taxe d’habitation, les mesures de revalorisation des retraites et des salaires des fonctionnaires, et aussi le bouclier tarifaire sur les prix de l’électricité qui serait retiré seulement progressivement d’ici à la fin 2024. Ainsi, le pouvoir d’achat par habitant continuerait à progresser sur un rythme d’environ 0,5 % par an en 2024 et en 2025. Si l’on considère les évolutions sur plus longue période en débutant en 2019, avant les deux chocs majeurs qui ont affecté l’économie française (crise sanitaire et impact de la crise ukrainienne), le pouvoir d’achat par habitant serait supérieur à son niveau pré-Covid d’environ 4 % en 2025. Cela proviendrait avant tout de l’emploi salarié, qui se situerait en 2025 à un niveau supérieur d’environ 6 % à son niveau pré-Covid. Le pouvoir d’achat du salaire moyen par tête, après avoir subi l’impact de la forte inflation en 2022 et 2023, serait quant à lui proche en 2025 de son niveau pré-Covid.

Cette progression du pouvoir d’achat par habitant diffère, pour de multiples raisons, d’un ressenti qui reste plus négatif. D’abord, il s’agit d’une évolution moyenne, alors que les situations peuvent évoluer différemment selon le niveau de revenu ou la localisation géographique. Ensuite, comme expliqué plus haut, les revenus totaux comprennent l’ensemble des revenus (y compris, notamment, les prestations sociales nettes des impôts) et pas seulement les revenus salariaux, qui influent peut-être le plus sur le ressenti des ménages. Enfin, et surtout, l’inflation ressentie au quotidien peut donner un poids plus important aux produits achetés fréquemment, comme les produits pétroliers et alimentaires, qu’à l’inflation totale mesurée par l’Insee, qui est pourtant le facteur pertinent pour une quantification du pouvoir d’achat total. Les ménages ont un taux d’épargne étonnamment élevé au deuxième trimestre 2023, que ne suffisent pas à expliquer les déterminants traditionnels de la consommation (pouvoir d’achat et taux d’intérêt). Cela peut en partie refléter le niveau encore élevé de l’incertitude qui génère de l’épargne de précaution. Une hypothèse également possible serait la sensibilité des ménages à l’effet dit d’encaisses réelles, qui les pousserait à maintenir un flux élevé d’épargne pour compenser l’érosion par l’inflation de leur stock d’épargne existant. En prévision, avec la dissipation de ces deux effets, les ménages diminueraient leur taux d’épargne, ce qui soutiendrait leur consommation à moyen terme. Ainsi, le taux d’épargne diminuerait progressivement sur notre horizon de prévision pour atteindre 16,6 % au quatrième trimestre 2025 (cf. graphique 9), un niveau toutefois encore bien supérieur à celui observé avant la crise sanitaire (15,0 %). L’incertitude quant à l’évolution du taux d’épargne après les chocs à la fois importants et rares de ces dernières années rend cependant sa projection plus incertaine que celle d’autres variables macroéconomiques (cf. section sur les aléas relatifs à l’activité et à l’inflation, infra).

Dans ce contexte, après une croissance nulle en 2023, la consommation des ménages se rétablirait en 2024 et 2025, avec des taux de croissance de 1,8 % et 1,5 % respectivement, soit supérieurs aux gains de pouvoir d’achat. En revanche, l’investissement des ménages a baissé sur la période récente, en lien notamment avec la normalisation des conditions financières, et continuerait à fléchir pendant quelques trimestres, avant de commencer à se redresser courant 2025.

Le taux de marge des entreprises retrouverait en 2025 un niveau proche des années pré-Covid et leur investissement serait résilient sur la période

Le taux de marge des sociétés non financières a augmenté au deuxième trimestre 2023, mais cela traduit des dynamiques sectorielles très contrastées et, sans doute, temporaires. En particulier, le taux de marge a progressé fortement dans les branches liées à l’énergie, qui n’ont que partiellement répercuté dans leur prix de production le repli du coût de leurs consommations intermédiaires. Cet effet devrait être transitoire et nous anticipons une moindre progression des prix de production dans les prochains trimestres. En revanche, les marges bénéficieraient à moyen terme de deux facteurs favorables. D’une part, l’effet positif du rétablissement des gains de productivité – le marché du travail s’ajustant avec retard au ralentissement économique – compenserait l’effet du regain de dynamisme des salaires réels sur le taux de marge des entreprises. D’autre part, les marges seraient légèrement soutenues par la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui devait initialement prendre la forme d’une seconde baisse concentrée sur 2024, mais qui serait finalement étalée sur quatre ans. À la fin de l’horizon de la prévision, en 2025, le taux de marge des entreprises s’établirait ainsi à
32,1 %, un niveau légèrement supérieur à celui qui prévalait avant la crise Covid (cf. graphique 10).

L’investissement des entreprises s’est montré particulièrement résilient depuis plusieurs années : malgré la crise Covid et l’invasion de l’Ukraine, sa progression a été chaque année depuis 2020 plus rapide que celle de l’activité. Cela provient notamment de la dynamique de l’investissement dans les technologies de l’information et des communications. Grâce à cette dynamique, les effets du resserrement de la politique monétaire et des restrictions sur l’offre de crédit ne généreraient qu’un ralentissement temporaire et non une baisse de l’investissement (cf. graphique 11). À moyen terme, les investissements liés la transition énergétique et climatique pourraient prendre le relais de ceux liés à la transformation numérique. L’investissement des entreprises devrait donc rester résilient en prévision, même s’il croîtrait un peu moins que l’activité. Toutefois, des aléas existent par rapport à cette trajectoire d’investissement (cf. section sur les aléas relatifs à l’activité et à l’inflation, infra ).

Le taux d’endettement public français ne ferait que se stabiliser, à un niveau durablement plus élevé que la moyenne de la zone euro

Cette prévision intègre les dernières mesures officiellement annoncées avant son bouclage fin août 2023. Elle ne prend pas en compte les mesures nouvelles ou autres informations qui devraient être présentées dans le projet de loi de finances pour 2024, ce qui sera fait dans la prévision de décembre. Cela nous conduit, comme dans la prévision de juin, à anticiper seulement une stabilisation du ratio de dette publique autour de 110 % du PIB (cf. graphique 12). Ce ratio pour la France resterait ainsi durablement plus élevé que celui de la moyenne de la zone euro, qui, lui, baisserait d’environ 3 points de PIB entre 2022 et 2025, pour se situer à 88,5 % en 2025. L’écart de ratios d’endettement public entre la France et la moyenne de la zone euro passerait d’environ 15 points de PIB avant la crise Covid à plus de 20 points à l’horizon de la prévision.

Le scénario central sur l’environnement international n’inclut pas de nouveau choc majeur, mais serait moins favorable aux exportations à l’horizon 2025

Après le rebond consécutif à la crise sanitaire, le commerce mondial ralentit tendanciellement depuis début 2022. Cette relative atonie des échanges internationaux serait suivie par une reprise très progressive et entourée d’incertitudes ; en particulier, les perspectives sont plutôt orientées à la baisse en Chine, où les derniers indicateurs conjoncturels étaient inférieurs aux attentes. Mais c’est la situation en zone euro qui pénaliserait encore davantage les exportations françaises : depuis nos précédentes projections de juin, la demande extérieure adressée à la France est révisée le plus largement à la baisse pour la demande en provenance de la zone euro, avec notamment des projections d’importations revues à la baisse pour l’Espagne et l’Italie en 2023, et plus encore pour l’Allemagne en 2024.

Dans ce contexte, les exportations de la France ont néanmoins surpris à la hausse au deuxième trimestre, avec notamment la bonne tenue des exportations de matériels de transport, due en partie au facteur ponctuel de la livraison du paquebot MSC Euribia, mais aussi au rebond dans le secteur du tourisme. Sur l’ensemble de l’année 2023, les exportations françaises devraient progresser plus rapidement que la demande mondiale adressée à la France, ce qui signifie la poursuite du rattrapage progressif des parts de marché perdues pendant la crise sanitaire. En 2024 et 2025, nous prévoyons une stabilité des parts de marché, avec des facteurs qui se compenseraient globalement à cet horizon. D’un côté, l’appréciation passée du taux de change effectif de l’euro pèserait un peu sur la compétitivité des exportations françaises à destination de ses partenaires hors zone euro. D’un autre côté, les exportations françaises bénéficieraient encore d’un potentiel de rattrapage dans le secteur aéronautique et le tourisme.

Les aléas sur l’activité et l’inflation par rapport à notre projection centrale sont dans l’ensemble équilibrés

Les aléas relatifs aux marchés de l’énergie ont changé de nature depuis l’hiver 2022-2023. À un risque de rupture d’approvisionnement en gaz et en électricité (lié à l’interruption des livraisons de gaz russe et aux difficultés du parc nucléaire français) a succédé un risque sur les prix du pétrole et du gaz en relation avec les déséquilibres entre l’offre et la demande sur ces marchés. Sur le marché du gaz, les aléas résultent notamment des tensions sur l’offre de gaz naturel liquéfié, comme l’ont montré les inquiétudes récentes autour des menaces de grèves en Australie. Sur le marché du pétrole, il existe des aléas de sens opposés sur l’équilibre offre-demande : d’un côté, la situation géopolitique continue de peser sur l’offre (comme l’ont montré les récentes décisions de limitation de la production par l’Opep et la Russie), mais de l’autre le risque baissier sur l’activité en Chine pourrait peser sur la demande.

En ce qui concerne la demande mondiale, les aléas baissiers proviennent là aussi de la Chine, où les chiffres publiés récemment confirment le ralentissement de l’activité depuis plusieurs mois, avec des inquiétudes grandissantes sur la crise immobilière et la situation sur le marché de l’emploi (chômage des jeunes). Les risques sont devenus plus équilibrés aux États-Unis, où le risque d’une récession (ou « hard landing ») a nettement diminué.

Du côté de la demande intérieure en France, les aléas sont plutôt haussiers sur la consommation des ménages et baissiers sur l’investissement des entreprises. D’une part, un rebond de la consommation des ménages plus marqué que ce que nous anticipons n’est pas à exclure, dans la mesure où, dans le scénario central, le taux d’épargne reste historiquement élevé à l’horizon de notre projection. Si ce taux d’épargne élevé est un mauvais signal à court terme sur la dynamique de la consommation des ménages, il leur fournit en revanche plus de marge de manœuvre pour augmenter leur consommation à moyen terme, une fois que l’incertitude actuelle liée notamment aux marchés de l’énergie se sera résorbée. D’autre part, alors que notre scénario central table seulement sur un ralentissement de l’investissement des entreprises, et non pas sur une baisse, il est possible que le resserrement des conditions financières puisse plus fortement peser sur ce dernier.

Enfin, certains aléas entourent plus spécifiquement notre projection de l’inflation française. En particulier, nous anticipons dans notre scénario central un retour rapide des marges de raffinage et de distribution sur les produits pétroliers à leur équilibre de long terme, ce qui expose à un aléa haussier si elles restaient élevées de façon persistante. À l’inverse, il est possible que la politique monétaire ait un impact plus fort ou plus rapide sur l’inflation que ce que nous inscrivons dans nos prévisions.

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